Lancement des études sur « Les valeurs morales éthiques et civiques dans le cadre de la lutte contre la corruption », « Les perceptions et présomptions de la corruption dans le secteur minier au Burkina Faso », et « Les présomptions de corruption dans le secteur des Douanes ».

Lancement des études sur « Les valeurs morales éthiques et civiques dans le cadre de la lutte contre la corruption »,  « Les perceptions et présomptions de la corruption dans le secteur minier au Burkina Faso », et « Les présomptions de corruption dans le secteur des Douanes ».

Mot du Secrétaire Exécutif

Mesdames/ messieurs
L’honneur m’echoit de prendre la parole cet après-midi au nom du Secrétariat Exécutif pour vous souhaiter la bienvenue.
Je suis très heureux de sacrifier à cet exercice, au regard de la diversité des profils qui composent cette auguste assistance. Cela atteste de l’intérêt du sujet et de votre engagement à nos côtés pour aider à bouter la corruption hors du Burkina. Je suis d’autant plus heureux que nous allons assister au lancement de trois études attendues par les burkinabè, dont l’une a été entreprise depuis 2013.
Honorables invités
La mal gouvernance en général et la corruption en particulier, constituent de plus en plus des obstacles sérieux à la bonne exécution des politiques publiques en Afrique. Elles favorisent le détournement d’importantes ressources financières (1/4 de la richesse nationale) au profit de prédateurs ultra minoritaires, notamment des élites politico-bureaucratiques.
Le Burkina Faso fait partie de ces pays où la corruption sévit avec beaucoup d’acuité. Les scandales de corruption décelés dans les secteurs vitaux de l’économie nationale ces 3 dernières décennies ont plombé gravement les possibilités de développement. Malgré les efforts des acteurs, notamment non étatiques, le phénomène reste préoccupant.
C’est pourquoi, préoccupés à la fois par son impact considérable sur le développement économique du fait du caractère endémique et systémique de la corruption dans notre pays, les responsables de l’action publique au côté des acteurs de la société civile mènent une lutte acharnée contre la corruption et la mal-gouvernance.
L’un des objectifs majeurs de notre action en tant qu’organisation demeure la production de connaissances fiables en vue de mieux orienter la lutte anti-corruption. Le Réseau national de lutte anticorruption a pour ce faire initié trois (3) études sur des secteurs clés de l’économie burkinabè mais aussi sur les questions civiques, éthiques et morales.

Mesdames messieurs
L’étude sur « Les perceptions et présomptions de la corruption dans le secteur minier au Burkina Faso » a produit une analyse diagnostique de la situation de la corruption dans le secteur minier au Burkina Faso à travers l’opinion des différents acteurs du secteur. Au regard du rôle social et économique joué par l’industrie minière, une telle étude avec la contribution des différents acteurs apportera des solutions à la problématique de la transparence dans le secteur minier avec comme but d’assainir le secteur.
L’étude montre clairement que l’impact de l’exploitation minière sur l’économie du pays et sur les populations locales reste peu perceptible. Les exploitations minières industrielles aux mains des investisseurs étrangers, sont à forte intensité de capitaux mais génèrent peu de revenus et d’emplois au pays.
L’étude conclut que le phénomène de la corruption dans le secteur minier a une influence corrosive sur la mobilisation des ressources nécessaires au développement du pays.
La fraude de l’or constitue un autre obstacle au développement du Burkina Faso. Sur la base d’études faites sur la commercialisation de l’or au Burkina Faso, BUGECO (1995) et BNAF (2014) estiment à plus d’une tonne et demie d’or par an, la production artisanale qui échappe au contrôle de l’Administration pour se retrouver sur les marchés étrangers. La conséquence de ces trafics est la perte d’importantes recettes fiscales et douanières au détriment du pays.
Pour que les mines en général et les exploitations minières artisanales et à petite échelle en particulier deviennent un véritable levier de croissance économique et de lutte contre la pauvreté, il est nécessaire que l’Etat assure un suivi et un contrôle effectifs et rigoureux des activités minières.
Au terme de cette étude, on peut affirmer sans risque de se tromper, que la corruption dans le secteur minier au Burkina Faso, loin d’être une probabilité constitue un fait têtu. En effet, à en croire les résultats de l’enquête, 85% des enquêtés, la corruption représente une pratique qui existe bel et bien dans le secteur minier au Burkina Faso. Elle se pratique ou s’exprime à travers des canaux dont les principaux sont l’attribution et la gestion des autorisations et titres miniers.
Mesdames messieurs
La corruption et la fraude semblent être, selon une opinion devenu tenace au Burkina, un phénomène bien ancré dans le secteur des douanes. Le train de vie des agents, le contact permanent avec l’argent et le contact avec des importateurs et autres opérateurs économiques sont entre autres les raisons qui justifient cette image que l’institution douanière traîne depuis cinq décennies. En douanes on manipule beaucoup d’argent. Les recettes fiscales mobilisées par l’administration douanière ces dernières années sont assez illustratives du poids de cette institution. Elle a en effet mobilisé en 2011 environ 300 milliards de F CFA de recettes, 350 milliards de Francs CFA en 2012, 460 milliards en 2013 et une prévision d’environ 500 milliards est attendue en 2014.
Au regard du poids de la contribution des recettes douanières dans le budget l’Etat burkinabé (40% des recettes fiscales), il est indispensable de renforcer le combat contre la corruption dans ce secteur.
C’est dans cette optique que le REN-LAC a décidé d’apporter sa contribution en commanditant cette étude sur «Les présomptions de corruption dans le secteur des Douanes». Pour faire un état des lieux aussi précis que possible des manifestations et des causes de la corruption au sein de l’administration des douanes, cette étude a consommé trois précieuses années.
La corruption dans le secteur des douanes est unanimement reconnue par les premiers responsables du MEF, par la hiérarchie des douanes et par l’ensemble des agents travaillant dans cette administration relate l’étude. Toutefois, le classement au premier rang depuis une dizaine d’années par l’opinion publique, à travers les sondages du REN-LAC, des services des douanes comme étant l’administration où les agents sont les plus corrompus semble ne pas être accepté par le personnel de cette institution.
Les investigations menées sur le terrain ainsi que les résultats de l’enquête tant quantitatives que qualitatives ne permettent pas d’affirmer ou d’infirmer avec beaucoup de certitude cette hypothèse. En effet les obstructions et réticences dont ont fait montre certains acteurs interrogés ont créé des zones d’ombre. En revanche ces enquêtes ont permis de montrer que malgré les avantages légaux dont bénéficient toutes les catégories professionnelles dans l’administration douanière, les agents dans leur grande majorité ont contribué à alimenter les réseaux de corruption qui sévissent en douanes.
Les raisons qui alimentent la chaîne de corruption en douanes sont nombreuses mais la principale source repose sur la fraude développée et perfectionnée par des opérateurs économiques, entretenue et encouragée par les plus hautes autorités et les premiers responsables de la Direction Générale des Douanes. Toutes ces personnalités sont en complicité avec certains opérateurs économiques, les principaux acteurs et bénéficiaires de la fraude et de la corruption dans le pays.
Quant aux pratiques et formes de corruption, elles se caractérisent principalement par des propositions d’arrangements acceptées par les agents des douanes. Ces arrangements sont admis souvent avec le silence ou la complicité des plus hautes autorités.
A la lumière des résultats d’enquête et des problèmes posés tant dans les procédures de dédouanement que dans la gestion de l’Administration des douanes, il semble opportun d’orienter la lutte contre la corruption en s’attaquant essentiellement aux causes qui installent et enracinent la corruption dans le secteur des douanes. Ainsi les recommandations qui se trouvent dans l’étude, si elles sont appliquées avec un esprit de suite, peuvent contribuer efficacement à la lutte contre la corruption dans les services des douanes.

Mesdames messieurs
Conformément à sa mission de veille dans la lutte contre la corruption, le RENLAC en même temps qu’il met l’accent sur les actions concrètes de nature à juguler le phénomène de la corruption, essaie d’affiner la compréhension qu’on peut en avoir. C’est dans cette perspective que « l’étude sur les valeurs morales, éthiques et civiques dans le cadre de la lutte contre la corruption au Burkina Faso» a été réalisée.
Cette étude apporte une contribution à la compréhension du phénomène de la corruption au Burkina Faso, avec une perspective d’action sur les nouvelles générations par le truchement de l’école dont le rôle reste incontestable.
Quant au fond, l’étude met suffisamment en évidence la perte de ces valeurs au Burkina Faso; toute chose que les acteurs perçoivent avec une parfaite netteté et justifient par la montée en puissance de nouvelles valeurs contraires aux valeurs universelles dont le socle axiologique était constitué essentiellement de la crainte de Dieu et du respect de la parole donnée et de la hiérarchie. L’argent-roi tend aujourd’hui manifestement à imposer sa loi à tout et à tous.
Le résultat perceptible de l’évolution des valeurs traditionnelles, c’est une remise en cause de l’idéal d’intégrité qui recule face au développement spectaculaire de la corruption que nombre d’acteurs situent surtout à partir des années 1990. Dans le même temps, il n’existe pratiquement pas de dispositif de renforcement des valeurs Morales, Ethiques et Civiques (MEC) permettant de lutter contre la corruption. D’une part, les mutations de la société nouvelle compliquent le rôle éducatif des parents, à défaut de l’annihiler; d’autre part, les programmes scolaires ne favorisent pas une réelle capitalisation de l’enseignement épars des valeurs et de la lutte indispensable contre la corruption. D’où la nécessité de remédier à cette situation à travers notamment l’introduction d’un module d’enseignement centré sur les valeurs MEC et la lutte contre la corruption.
Mesdames messieurs
Honorables invités,
Les trois études que nous lançons aujourd’hui ont vu le jour grâce aux soutiens précieux de nos partenaires techniques et financiers. Il s’agit de l’Ambassade Royale du Danemark, de l’Ambassade de France, la Coopération suisse, de la KFW, de Diakonia et du PNUD à travers le Projet de renforcement de la gouvernance politique (PRGP). Le Réseau national de lutte anticorruption qui ambitionne les prochaines années de créer un Centre de Recherche sur la corruption espère que ces trois études vont permettre aux côtés d’autres études existantes de poser dans un avenir proche, les jalons de ce futur Centre de référence et de documenter le secteur de la corruption au Burkina pour une lutte que nous souhaitons plus efficace.
A l’orée de cette année 2016, je vous voudrais avec la permission du Président d’honneur, des membres d’honneur et du secrétariat exécutif, vous souhaiter une année de bonheur et de veille citoyenne. J’invite les gouvernants, les chercheurs, les organisations de la société civile, les éducateurs à s’approprier ces études pour une plus grande sensibilisation des citoyens à la lutte contre la corruption.
Je vous remercie.

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